GUIDE DES BONNES PRATIQUES : La liberté de prescription ?

La liberté de prescription est un des principes déontologiques fondamentaux pourtant ce principe peut être en contradiction avec la notion de « données acquises de la science » ou par celle des « connaissances médicales avérées » telles que définies par la loi du 4 mars 2002. Dans l’article 8 du code de déontologie médicale, (article R4127-8 du CSP), il est précisé que « le médecin est libre de ses prescriptions »… mais qu’il doit « tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles ». 
 
En fait il y a eu un profond changement de l’exercice médical ces dernières années. La « MEDECINE basée sur les preuves » ou « evidence based medecine » nous est arrivée du monde anglo-saxon et s’est imposée progressivement.
 
Pendant longtemps, nous avons vécu sur des impressions cliniques et des certitudes transmises par des experts parfois auto-proclamés. C’est ainsi que dans ma spécialité on m’a enseigné et j’ai enseigné ensuite que le régime sans sel devait être généralisé chez la femme enceinte pour prévenir la toxémie gravidique avec même prescription de diurétiques en cas d’HTA. De même, on a prescrit des hormones en cas de menace d’avortement car on avait constaté une baisse des taux par dosages à l’époque urinaires. Cette anomalie était interprétée à tort comme la cause de la pathologie alors qu’elle en était la conséquence. Ces prescriptions non contrôlées par des études scientifiques randomisées ont pu aboutir à des drames comme celui  du DISTILBENE®.
 
Actuellement, on a pris conscience du besoin de preuves scientifiques pour valider toute décision médicale. Cependant, il faut rester critique en analysant la littérature médicale car il y a de nombreux biais dans les articles où on peut trouver toutes le opinions et leurs contraires. La HAS (haute autorité de santé) a publié en 2000 un manuel toujours d’actualité pour décrypter la littérature. On y trouve en particulier des précisions sur la hiérarchisation du niveau des preuves :
Niveau 1 :
• Grands essais comparatifs randomisés de forte puissance avec résultats indiscutables
• Méta-analyse effectuée de façon appropriée
• Analyse décisionnelle
Niveau 2 :
• Petits essais comparatifs randomisés de faible puissance et/ou résultats incertains
Niveau 3 :
• Essais comparatifs non randomisés avec groupe témoin contemporain
• Suivi de cohorte
Niveau 4 :
• Essais comparatifs non randomisés avec groupe témoin historique
• Etude cas-témoin
Niveau 5 :
• Absence de groupe témoin
• Etude descriptive de séries de patientes
• Opinion d’experts fondées sur la seule expérience clinique
 
 
 
Les sociétés savantes et les grandes agences en charge de la santé publique font un travail important et émettent ce que l’on appelle les RPC (recommandations pour la pratique clinique).  Ces recommandations sont facilement accessibles sur le net. 
 
Les latins que nous sommes  peuvent estimer que cela réalise une atteinte à la liberté de prescription. Cependant, il faut savoir accepter de se remettre en question et envisager que notre pratique du moment que l’on croyait pertinente est critiquable et doit être modifiée. 
 
Rappelons enfin qu’une prescription hors AMM est toujours possible mais avec une argumentation scientifique valable, une information complète du patient et cela doit figurer sur l’ordonnance. La responsabilité du prescripteur est alors totale.
 
Ce guide des bonnes pratiques  n’est pas exhaustif. Il est évolutif et les renseignements sont accessibles sur le Net, en particulier sur le site de l’HAS. Ce n’est pas un carcan et en cas de poursuite judiciaire, on sera content d’y trouver des arguments pour se défendre.
 
 

J.L.LEROY

Professeur  émérite de gynécologie-obstétrique                                                                

Faculté de médecine de LILLE